Les cloches de l'église de Louvergny

Lors de la journée du clocher organisée le lundi de Pentecôte 2016 à l’occasion des vingt ans de la Fondation du patrimoine, seize communes ardennaises avaient ouvert leur clocher, dont Louvergny. Cette cloches louvergny1manifestation avait rencontré un franc succès et, dans les mois qui suivirent, la municipalité prit l’initiative de faire sonner de nouveau les heures par les cloches du village, non plus au moyen de l’ancien mécanisme qui aurait nécessité une sérieuse révision, mais avec une installation moderne plus légère et électrique. La préparation de la journée du clocher avait été l’occasion, pour le maire et son adjoint, de visiter de près les deux cloches, de les photographier et de relever les inscriptions. Une double page de présentation avait ainsi pu être distribuée aux visiteurs.
Mais savez-vous que ces cloches du XXe siècle, qui fêteront bientôt leur centenaire, sont déjà, au moins, la quatrième génération de cloches des deux églises successives de Louvergny ? Retracer l’histoire campanaire d’une petite paroisse est toujours un exercice difficile, mais pour Louvergny, à partir du XVIIIe siècle, les documents deviennent assez nombreux pour poser quelques jalons.

La première génération de cloches

Si l’église primitive de Louvergny, qui était située au milieu du cimetière, était réputée du XIIe siècle, nous n’avons aucun renseignement ancien sur les cloches qui ont pu habiter la tour de son clocher. Placée au-dessus du choeur, cette tour avait une ouverture en plein cintre, quelques créneaux et quatre ouïes ; elle était surmontée d’une flèche peu élevée de base quadrangulaire et hexagonale à la pointe.
La première mention des cloches date de 1712. On la trouve sur une quittance copiée sur un registre par le curé du village.  Ce document, dont nous reproduisons l’orthographe d’époque, nous apprend que l’église comptait déjà deux cloches et qu’elles étaient alors assez anciennes pour avoir besoin d’être réparées : « Je soussigné Jacque Pierlot maréchal-ferrant demeurant à Louvergny reconés avoir receu de Maître Pierre Prévot curé de Louvergny la somme de quarante sous pour avoir racomodé les cloches de la paroisse dudit Louvergny cause ferremens du mouton au mois de juillet de l’an mil sept cent douze. Signé Jaque Pierlot. »

cloches louvergny2La deuxième génération : les cloches de 1757

La réparation de 1712 permit à ces « cloches de la paroisse », qui sont la première génération de cloches connue pour le village, de continuer leur office pendant encore près d’un demi-siècle. Mais elles furent remplacées par deux nouvelles cloches baptisées le 7 juin 1757.
La petite cloche, nommée Poncette, avait pour parrain Jean Ceddré, fermier général des religieuses de l’abbaye de Louvergny et notaire du duché de Mazarin, à Sorcy. La marraine était Marie-Poncette de Courtrai, son épouse.
La grosse cloche, nommée Marie, avait pour parrain Louis Vitter, fermier du domaine, et pour marraine Marie Pierlot, son épouse.Comment ces cloches ont-elles traversé la Révolution ? C’est une enquête qui reste à mener dans le registre de fabrique de la paroisse ou en parcourant les délibérations du conseil municipal.

La troisième génération : les cloches du XIXe siècle

 

En 1813, la commune de Louvergny passa un marché avec Pierre-François Cochois, fondeur à Champigneulles-en-Bassigny (Haute-Marne), pour fondre la petite cloche et « la rendre au même poids sans qu’il puisse y avoir d’augmentation ni de diminution » dans la limite de dix livres. L’augmentation fut finalement de 93 livres, nonobstant les conditions du marché, et la commune accepta de les payer deux francs la livre, outre les deux cents francs de la fonte elle-même. La nouvelle cloche, qui pesait environ 300 kilogrammes, portait l’inscription suivante, comprise dans le marché : « L’an 1813, j’ai été nommée Hyacinthe par Monsieur Hippolyte de Surirey, officier, propriétaire et maire de la commune de Louvergny, et par Dame Hyacinthe de Moy de Surirey, ex-chanoinesse du chapitre d’Avesne (Cochois fils fondeur). »
En 1839, la grosse cloche de 1757 fut à son tour remplacée. D’un poids d’environ 400 kilogrammes, la nouvelle grosse cloche avait une inscription ainsi conçue : « En 1839 j’ai eu pour parrain Monsieur Nicolas Julien Lemry, entrepreneur de travaux publics, et pour marraine Madame Marie-Françoise Tavernier, son épouse. Ils m’ont donné les noms de Marie-Françoise, en présence de M. Pierre Delétang, maire de Louvergny (Antoine Loiseaux, fondeur). »
Enfin, le 30 août 1896, en même temps que la nouvelle église de Louvergny, le cardinal Langénieux, archevêque de Reims, bénit une petite cloche qui remplaçait celle refondue en 1813. La nouvelle petite cloche, faite avec le bronze de la précédente, se nommait Louise-Henriette. Elle avait pour parrain le maire Henri Delétang et pour marraine Mme Noiret, née Louise Chaigneaux, mère d’Hippolyte Noiret à la mémoire de qui avait été construite la nouvelle église.

 La quatrième génération : les cloches actuellescloches louvergny3

 En juillet 1917, les cloches du XIXe siècle -Marie-Françoise bénite en 1839 et Louise-Henriette bénite en 1896 -, réquisitionnées comme quasiment toutes les cloches des Ardennes, ont été descendues du clocher pour être fondues ; le bronze ainsi récupéré fournissait une matière première immédiatement disponible pour l’industrie de guerre allemande.
Le 1er octobre 1922, une semaine après l’inauguration du monument aux morts, eut lieu la bénédiction des deux nouvelles cloches de Louvergny. Elles avaient été commandées par la commune à la fonderie Chambon de Montargis (Loiret), respectivement le 12 juin et le 9 novembre 1921.

La plus lourde pèse 530 kilos et porte en inscription : « L’an de grâce MCMXXII, j’ai été bénite par S. E. le cardinal Luçon. MM. H. Delétang, maire ;A. Marchand, curé. Mon parrain, M. H. Delétang, chevalier du Mérite agricole, et ma marraine, Mme Normand-Delétang, m’ont donné les noms de Henriette-Louise-Marie. Je remplace Henriette-Louise donnée en mémoire de Hippolyte Noiret et bénite en 1896 par le cardinal Langénieux, enlevée par les Allemands en juillet 1917. »
La seconde, la plus petite, a un poids de 330 kilos et indique : « L’an de grâce MCMXXII, j’ai été bénite par S. E. le cardinal Luçon. MM. Delétang, maire ; A. Marchand, curé. Mon parrain, le commandant Sarcelet, chevalier de la Légion d’honneur, croix de guerre, et ma marraine, Mme Sarcelet-Mencière, m’ont donné les noms d’Alberte-Louise. Je remplace Marie-Françoise bénite en 1839 et enlevée par les Allemands en juillet 1917. »
Dans son compte rendu de la cérémonie de 1922,Le Petit Ardennais rapporte que, conformément à la tradition, une distribution de bonbons et de pièces de monnaie fut faite par les parrains et marraines, à la grande joie des enfants. Le soir, chaque famille reçut les bonbonnières qui lui étaient offertes gracieusement par chacune des marraines après qu’un vin d’honneur offert par les parrains eut été servi dans les cafés du village.

Florent Simonet