Le Chesne pendant la Grande Guerre (2)
1918 : Encore presque une année entière pour aboutir à la paix, enfin la paix ! Mais par quels nouveaux sacrifices, quels nouveaux chemins va-t-il falloir passer ?
Précisément ceux de LIEGE ! Ceux de l’exode imposé jusqu’au Jardin d’Acclimation de la ville, sur l’île de la Boverie.
Depuis septembre, sous la poussée alliée, le recul allemand entraîne une accélération du pillage. Reflux vers l’arrière du matériel militaire, mais aussi de mobiliers confisqués ainsi que de troupeaux. Le 30 septembre le chanoine note le départ de « la baronne »( cf Le Populeux n°77 » avec « un volumineux assortiment de caisses, le fruit de ses rapines !! »
Le 7 octobre « Dès le matin, branle-bas d’un bout à l’autre du bourg...l’exode continue toute la journée sans interruption vers Sedan »
Puis le 23 octobre, c’est l’évacuation des civils : « Quel tableau, dès les sept heures du matin que ce départ de l’émigration, sous la surveillance de quelques Prussiens
en armes ! … » Plus loin : « On ne saurait dire l’impression de vide et de désert dans le village, quand tout ce monde fut parti; un silence de mort régnait dans tous les quartiers, coupé seulement par le bruit des combats de la ligne de feu... »
Bouillard, qui a refusé de partir, note cependant le 25 octobre : « De loin en loin, un obus tombe encore, comme pour dire : hâtez-vous dans la fuite, le temps presse ! » En tournant sur le pont, je penche la tête vers le chevet de mon église et lui dis adieu ainsi qu’à ma paroisse... » « Ceux qu’on découvre cachés à la cave ou ailleurs sont amenés au train… Ce n’est qu’à 11h30 que sous l’œil du commandant, le convoi s’ébranle vers Raucourt... » Les évacués y retrouvent ceux partis le23.
Un train qui met des heures à venir doit emmener les réfugiés vers la Hollande. Il y a un arrêt à Sedan pour embarquer des évacués de Terron et Vouziers. Le voyage se poursuit dans des conditions plus que difficiles : il y a des malades, il y a aussi des décès. Finalement le train arrive à Liège. Le 6 novembre, le chanoine note que des communiqués annoncent qu’on se bat au Chesne.
« Onze novembre : grand évènement d’un jour qui restera mémorable. Ouverture de l’armistice... »
« En ville, lorsque la nouvelle est confirmée, les rues s’animent, les drapeaux apparaissent aux fenêtres et aux balcons et bientôt le pavoisement est général... » « Seuls les exilés restent avec l’arrière pensée de leur pénible situation et si les visages se dérident, l’inquiétude demeure du retour au foyer...s’ils doivent retrouver un foyer. La mort fait toujours de nouveaux ravages dans nos rangs ici et à TILFF (au sud de Liège) où les autres sont enterrés... »
Le 13 novembre : « Les effectifs ne cessent de refluer vers la frontière par toutes les routes et les voies ferrées, le jour et la nuit. » Le chanoine n’évoque guère le désordre des ces mouvements. Citons simplement l’invraisemblable périple d’André (15 ans) et Gabriel Deglaire (14 ans) rentrés au Chesne bien des semaines plus tard, passant par.. Zuidcoote, après avoir été séparés de leurs parents !! Comme bien d’autres.
Le 20 novembre le chanoine est toujours à Liège. Il note à propos des troupes allemandes : « Arrêté au Pont du Commerce, j’ai pu considérer longuement au passage le défilé de corps de toutes armes, et je reviens sous cette impression assombrie : « Ces gens-là, rentrant en Allemagne avec armes et bagages, ne se regardent pas comme des vaincus. Nous aurons à nouveau affaire à eux ! »
Prophétique Mr le Chanoine !
Jean-Louis Deglaire Bernard Bienvenu
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Entrée de la rue Notre Dame | Le pont détruit le 6 novembre 1918 | Ruines route de Vouziers |