Le Chesne pendant la grande guerre
Hommage à Hippolyte DEGLAIRE
Notre précédente page du « Populeux » consacrée aux carnets du chanoine BOUILLARD abordait le thème de la difficile et incertaine circulation de l’information surtout en zone occupée.
En 1917, les réquisitions, les interdictions, les sanctions infligées (amendes, prison ou déportation) par l’ennemi sont de plus en plus insupportables.
Des actes d’insoumission, on ne dit pas encore « résistance » ,passive ou plus active se multiplient : il devient tentant d’essayer de transmettre aux armées françaises et alliées des renseignements sur l’ennemi.
C’est ainsi qu’agirent cachés en forêt, au dessus des Hauts-Buttés pendant des mois et des mois les JACQUEMIN , Jules GRAFTEAUX et autres. Plusieurs le payèrent de leur vie. A Sedan, Louis BUSSON, de l’usine à gaz de TORCY fut fusillé. Bien d’autres, également, refusaient le joug allemand, et parmi eux le docteur vétérinaire Hippolyte
DEGLAIRE, originaire du CHESNE.
IL est emprisonné dès le 2 janvier 2017, soumis à des interrogatoires de plus en plus terribles et qu’il redoute toujours plus. Après le 16 janvier, on le retrouve à l’hôpital militaire allemand dans un état désespéré. Horriblement défiguré, il faut l’amputer de la main droite.
Des témoignages subsistent : d’abord celui du docteur Louis PERIGNON qui vient le soigner après le 1er mars, à son arrivée chez les petites soeurs des pauvres, à GLAIRE. « Il avait perdu la main droite et le moignon d’amputation n’était pas encore cicatrisé... »
Le médecin évoque aussi « une perte de substance importante au nez (qui n’existait plus) et à la lèvre supérieure. Le quart antérieur environ de la langue avait disparu...Enfin la bouche était fortement rétrécie par le processus de cicatrisation. Je dus pratiquer une opération pour rétablir complément l’ouverture buccale. »
Autre témoignage, celui de Rigobert FAY, principal du collège TURENNE : « Mon ancien camarade DEGLAIRE a été arrêté aujourd’hui. On rapporte qu’à la tombée du jour, un Allemand s’est présenté chez lui, annonçant à DEGLAIRE qu’il apportait de Belgique des nouvelles de sa famille- il a en effet une nièce religieuse à Liège... »
Et plus loin : « Le cas DEGLAIRE ne s’éclaircit pas, puisqu’il est toujours au secret. On dit qu’il est accusé d’espionnage... »
On peut aussi citer l’enfant Yves CONGAR (le futur cardinal).
« Il paraît que ce sont des Français qui ont dénoncé...»
De son côté Jean BREGI, rapportera plus tard en 1957 :
« Déjà âgé, M. DEGLAIRE, compromis et arrêté, préfèrera se brûler les cordes vocales avec un tisonnier chauffé plutôt que de risquer de parler. Il savait beaucoup de choses et son geste évita, peut être une catastrophe. » Jean BREGI expliquera aussi, qu’à l’époque, des insoumis comme lui réussissaient à faire passer des informations aux alliés.
Le frère ainé d’Hippolyte, Jean-Baptiste Emile, à l’époque fermier à Beauménil (Hauraucourt) père de la religieuse de Liège, fut lui aussi emprisonné pendant cinq semaines.
De son geste plus que probable d’auto-mutilation, le vétérinaire ne voulait pas parler. De même, il ne disait rien de tout ce qu’il savait. Avec son reste de voix démolie, il continuait de se taire.
Hippolyte DEGLAIRE était né au CHESNE, le 14 décembre 1857 d’un père Emile-Honoré lui-même vétérinaire. Le grand père était maréchal-ferrant à Hannogne Saint Martin. IL est décédé le 19 février 1932 à SEDAN.
Jean-Louis Deglaire - Bernard Bienvenu (l’un de nous est le petit neveu d’H. Deglaire)
Sources : - souvenirs familiaux
- Jean-Louis Michelet : « H. Deglaire, vétérinaire résistant à Sedan, pendant la 1ère guerre » JL Michelet est le petit-fils de Louis BUSSON
( Le Pays Sedanais n° 32 - 2014)